L’art au risque du vivant. Conservation des films et geste de création.

Le tri-acétate de cellulose, appelé plus couramment acétate de cellulose, est le support des couches d’émulsion argentique photosensible. Il est fabriqué par un traitement chimique avec de la cellulose et de l’acide acétique. Malheureusement, sa stabilité à long terme est relative. Si la pellicule n’est pas conservée dans des conditions de température et d’humidité optimales et très stables, le risque d’apparition du syndrome du vinaigre existe. Le support se désolidarise, et la cellulose revient à son état originel, de même que l’acide acétique, qui n’est autre que du vinaigre. Celui-ci s’évapore lentement et diffuse une forte odeur qui contamine alors toutes les bobines alentour. Les films rétrécissent, gondolent, et perdent de leur transparence. Ils deviennent ainsi fragiles et vulnérables aux attaques de l’atmosphère qui les entoure.

Eloïse Mahieux a travaillé à partir de deux copies de la Cinémathèque de Grenoble qui étaient perdues pour la conservation. Elle s’est appropriée l'imaginaire du syndrome du vinaigre qui représente un danger pour la conservation des supports argentiques pour réaliser un essai filmique qui est l’histoire d’une contamination entre Le baiser papillon, de Hy Haverback et Alien : Résurrection, de Jean-Pierre Jeunet. Le mémoire est une réflexion sur l’instabilité des films qui ont échappé aux processus de conservation. À quelles conditions, le vivant, la vie bactérienne qui s’est développée sur les supports permet de ses réapproprier les récits, de déplacer les codes cinématographiques et d’explorer les relations qu’entretient la poésie avec ce vivant ? L’existence des films argentiques est aussi fragile que nos vies. Qui les regardent se dégrader ?

Merci à Gabriela Trujillo, Directrice de la Cinémathèque de Grenoble, et à Pierre Jailloux, Maitre de conférences en études cinématographiques, d’avoir accepté de faire partie de ce jury.